Décryptage COP26 - Article 6 de l'Accord de Paris

on 18 novembre 2021

Décryptage COP26 – Article 6

La COP26 s’est achevée à Glasgow 13 novembre 2021 avec un jour de retard et à l’issue de négociations incertaines jusqu’à la dernière heure. Si les bilans concernant l’ensemble de cette COP sont mitigés, notamment concernant l’inclusion des acteurs du Sud et les promesses de financement de la part des pays les plus développés, cette COP aura permis des avancées concrètes sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris. C’est le cas en particulier pour l’article 6 de l’accord de Paris, enjeu clé des négociations depuis plusieurs années.

Rappels sur l’article 6 de l’Accord de Paris

L’article 6 de l’accord de Paris vise à mettre en place et à encadrer des mécanismes de coopérations entre les différents acteurs de la transition écologique. Le but ultime étant de faciliter l’atteinte des engagements volontaire des pays (CDN, pour Contributions Déterminées Nationales). L’article 6 est divisé en différents paragraphes et distingue 3 approches :

      • L’approche coopérative (6.1, 6.2, 6.3): celle-ci permet à des pays d’échanger leurs résultats d’atténuation entre eux afin d’atteindre leur CDN. Concrètement, un pays pourra décider de renoncer à une part de ses efforts d’atténuation pour les céder à un autre pays. On parle de « résultats d’atténuation transférés au niveau international » (ITMO en anglais pour Internationally transferred mitigation outcomes), l’équivalents de quotas qui représentent chacun 1 tonne de CO2
      • L’approche de contribution à l’atténuation des émissions (6.4 à 6.7): celle-ci doit prendre la forme d’un mécanisme permettant à des acteurs privés et publics de participer aux efforts de réduction des pays en finançant des projets. Il s’agit ici d’acheter ou d’échanger des crédits carbone issus de projets de réduction ou séquestration carbone.
      • L’approche non basée sur des mécanismes de marché, celle-ci doit permettre à des pays de collaborer à l’atteinte de leurs engagements sans qu’il n’y ait de transaction. Il s’agit ici de partages d’expérience, de transferts de technologies ou de renforcement de capacités par exemple.

Il est important de rappeler que toutes ces approches restent volontaires et ne peuvent se faire qu’avec l’accord de tous les pays ou acteurs impliqués.

L’Article 6 de l’Accord de Paris

  • Présentation du contenu de l’article 6 de l’Accord de Paris
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Comment éviter le double comptage ?

Le premier enjeu dans le cadre de l’article 6 est d’éviter le double comptage des efforts d’atténuation. Une fois qu’une tonne de CO2 est comptabilisée dans l’inventaire d’un pays, il est essentiel qu’elle ne soit pas prise en compte par un deuxième pays au risque de ne pas atteindre les objectifs mondiaux fixés par l’accord de Paris. Pour cela, à chaque ITMO ou crédit carbone sera associé un ajustement correspondant. Cet ajustement sera fait par le pays cédant ses tonnes de CO2 pour s’assurer qu’il ne les utilise plus pour atteindre ses propres objectifs.

Exemple : La France cède 10 tonnes de CO2 au Chili. Elle devra donc ajouter ces 10 tonnes à son inventaire avant que le Chili ne puisse les enlever au sien.

Dans le cadre d’une transaction entre un état et une entreprise, si un crédit est certifié dans le cadre d’article 6.4 de l’accord de Paris il devra également faire l’objet d’un ajustement de la part du pays hôte.

Exemple : Une entreprise Française ne pourra acheter un crédit « certifié article 6.4 » issu d’un projet basé en Inde qui si l’Inde accepte d’ajouter un ajustement à son inventaire.

Cet enjeu de double compte est particulièrement important car dans le cadre de l’Accord de Paris, tous les pays se sont fixés des objectifs d’émission de gaz à effet de serre. Les déclarations de chaque pays doivent ensuite être agrégées et une même tonne de CO2 ne doit pas être présente plusieurs fois. Des règles ont également été définies pour que les ITMO ne puissent pas être conservés pars les pays au-delà d’une certaine période afin de ne pas repousser les efforts d’atténuation. Les précautions prises à la COP26 devraient permettre d’éviter ces problèmes de comptabilité.

En parallèle, dans le cadre de l’article 6.4, pour s’assurer que le mécanisme permet bien d’accélérer la réduction des émissions, chaque enveloppe de crédits cédée par un pays sera imputée de 2% de son volume total. Cela signifie que 2% des crédits seront « annulés » et qu’ils ne seront utilisées par personne. Ce pourcentage est encore faible mais pourrait être amené à augmenter dans le futur.

Comment lier marché carbone et adaptation ?

Il est souvent reproché au marché carbone, à l’instar de l’ensemble de la finance climat, de délaisser la thématique de l’adaptation aux changements climatiques. Pour commencer à mettre le sujet sur la table, l’article 6.4 prévoit que 5% des crédits générés soient automatiquement prélevés et mis à disposition d’un fond au service de l’adaptation aux changements climatiques. D’autres contributions pourraient également être demandées dans le cadre de la certification et seront déterminées dans le futur. Si ce ne sont encore que des pistes, la question a été au cœur des débats à Glasgow et devrait continuer à prendre de l’ampleur.

 

Plus globalement, l’ensemble des décisions concernant l’article 6 de l’Accord de Paris rappelle l’importance des droits humains et de l’intégrité environnementale et sociale des projets certifiés dans le cadre du mécanisme. On notera notamment le besoin de faire une consultation des populations locales avant la mise en place d’un projet et la création d’un mécanisme indépendant de plaintes en cas de litiges autour du mécanisme de l’article 6.4.

Quelle futur pour les mécanismes existants ?

L’adoption de l’article 6.4 et toutes les nouvelles caractéristiques de ce mécanisme pose la question de l’avenir du Mécanisme de développement propre de l’ONU (CDM en anglais pour Clean development mecanism) qui date des accords de Kyoto. Il a été décidé à Glasgow que le CDM ne pourrait plus certifier de nouveaux projets afin de totalement céder sa place à l’article 6.4. Ainsi, jusqu’à 2023, les nouvelles candidatures seront mises en attente par le CDM avant de vérifier qu’elles sont bien éligibles à l’article 6.4.

 

Cependant, une période de transition est inévitable en attendant que l’article 6.4 soit complètement opérationnel. Les projets déjà certifiés pourront continuer à générer des crédits jusqu’à leur transfert sous le mécanisme de l’article 6. Ces crédits, ainsi que tous ceux générés depuis 2013 et pas encore vendus, pourront être utilisés dans le cadre de l’article 6.4. C’est là un point important car cela représente environ 300 millions de tonnes de CO2 qui ne feront pas l’objet d’ajustement de la part du pays hôte.

Quelles sont les questions encore à traiter ?

D’ici la mise en œuvre concrète de l’article 6.4, il reste encore de nombreux aspects méthodologiques à traiter du côté de l’ONU (critères d’éligibilité des projets, méthodologies de calcul, mise en place d’un registre, etc.). Par exemple, il n’a pas encore été décidé si les émissions évitées (par rapport à une projection et non une situation initiale réelle) seraient éligibles à l’article 6.4. Les standards existants (GoldStandard, Verra) seront des acteurs importants dans ces discussions. Ceux-ci pourraient également aligner leurs exigences aux critères de l’ONU, par exemple en développant une offre de crédits compatibles avec l’article 6.4 (avec ajustement du pays hôte).

 

L’ensemble des marchés carbone existants vont devoir décider s’ils n’acceptent que des crédits carbone issus de l’article 6.4 ou s’ils étendent leurs critères à des standards indépendants. Pour les marchés réglementés, quoi qu’il arrive, un crédit comptabilisé par un état dans le cadre de l’Accord de Paris devra être associé à un ajustement correspondant. Dans le cadre de la compensation carbone volontaire, chaque entreprise pourra encore choisir si elle décide d’acheter des crédits « article 6.4 » (associés à un ajustement de la part d’un pays hôte) ou si elle passe par un autre standard carbone.

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